Le « retour du dédoublé » à l’écran : mises en scène du double intrapsychique féminin : du hors champ à l’autre scène

Résumé

Le présent travail propose une analyse des personnages féminins doubles, compris sous le terme de « double intrapsychique » (Lihi Nagler) dans le cinéma contemporain. Deux personnages a priori distincts se rencontrent et tissent un lien, mais l’un d’entre eux s’avère être la création de l’autre protagoniste qui rêve, imagine, ou hallucine ce deuxième personnage. Le dispositif cinématographique vient renforcer l’ambiguïté inhérente au statut de doppelgänger, par le biais de la double incarnation : deux acteurs distincts incarnent chacun une part d’un seul et même personnage, sans que la fiction ne le dévoile clairement. Le présent travail propose une analyse des différentes mises en scènes de ces personnages doubles, sous le signe de l’illusion, à travers deux extraits de films : D’après une histoire vraie (2017), adaptation de Roman Polanski du roman de Delphine de Vigan (2015), et le célèbre Persona, d’Ingmar Bergman (1966). Cette analyse diachronique mettra en lumière le dispositif illusionnel « encadré » par un effet de « trompe-l’œil » (A. Ledoux) privilégié par Roman Polanski avant d’observer dans un second temps l’esthétique bergmanienne aux contours plus flous. La figure du « hors champ » sera alors centrale ; d’un point de vue métaphorique, dans la mesure où le personnage double incarne une part obscure, une « autre scène » au-delà du sujet, mais également en tant que dispositif scénique, laissant de côté ce qui appartient au monde mental. Le champ devient ainsi le théâtre de ce « retour du dédoublé », aux allures hybrides, entre hallucination, rêve et fantasme.

Index

Mots-clés

double intrapsychique, hors-champ, autre scène, mondes mentaux, twist, trompe-l’œil, fantasme, illusion, persona

Plan

Texte

Le personnage double en littérature comme au cinéma est un thème fécond d’illusion et de rebondissement. Ses différentes facettes semblent contenir à elles seules une forme de hors-champ, un ailleurs caché et plus obscur. Communément représenté dans les récits de fiction comme un personnage ayant deux personnalités distinctes et que tout oppose, notamment à travers l’héritage de la littérature romantique ou fantastique du XIXe siècle, comme en témoigne la figure du célèbre roman de Stevenson, Docteur Jekyll et Mr Hyde, il se caractérise souvent par une identité binaire et mystérieuse. La facette du docteur Jekyll présente un masque, un vernis social adapté aux exigences sociales quand l’autre facette, celle du double incarnée par Mr Hyde, dévoile le versant opposé, la face cachée (H[i]de) manifestée par cet être hybride, guidé par le seul jeu de ses pulsions et qui ne sort qu’à la tombée de la nuit, dans un hors scène loin de tout regard réprobateur. Le personnage de Mr Hyde semble bien incarner à lui seul une forme de « hors-champ », cette part obscure qu’affectionne la littérature romantique du XIXe qui reflète une conception dualiste de l’esprit et qui s’achèvera par l’avènement de la psychanalyse au début du siècle suivant. L’in-dividu sera double ou il ne sera pas. Le thème du personnage double prend ainsi son essor dans ce contexte particulier ; il vient signifier la lutte entre deux aspects contradictoires sur la scène psychique, l’un conscient, l’autre refoulé, où chaque partie est symbolisée par un personnage différent. Le personnage en proie à cette dualité, selon cette tradition fictionnelle, devient alors le théâtre d’un va-et-vient incessant entre ces deux identités contradictoires, où le lecteur ne sait plus progressivement à laquelle des deux parties il a affaire. Le personnage double est semblable à une poupée russe qui renferme plus d’un tour de prestidigitation. Ces fictions de doubles sont marquées par le sceau du fantastique, entre mystères et faux-semblants, dont l’archétype se trouve être le doppelgänger, figure apparue sous la plume de l’écrivain allemand Jean Paul en 17961 : un protagoniste expérimente une rencontre avec un autre « moi », un personnage inquiétant de familiarité qui s’avère le plus souvent n’être qu’une créature tout droit sortie de son imagination. Cette figure romantique du « compagnon de route », comme le suggère son étymologie, trouve son équivalent cinématographique dans le concept de « double intrapsychique », théorisé par Lihi Nagler2, dans le prolongement des nombreux travaux de taxinomie sur les différentes figures de doubles3. Celle-ci tente d’inscrire cette figure du double dans un contexte spécifiquement cinématographique. Comme cela était le cas du doppelgänger littéraire, deux personnages a priori distincts, incarnés dans ce cas par deux acteurs différents, se rencontrent et tissent un lien. Cependant, au fil de la fiction, le doute peut naitre quant à l’identité de ces deux personnages étrangement mêlés l’un à l’autre. L’un des deux personnages, le « double », peut finir par apparaitre, en définitive, comme le fruit d’une création psychique du personnage principal qui rêve, imagine, hallucine ou extériorise de quelque façon que ce soit ce deuxième personnage. Sous quelles formes peuvent-être mises en scène ces fictions cinématographiques de « double intrapsychique », afin de conserver le voile d’illusion et d’incertitude inhérent à cette figure mystérieuse ?

Nous tenterons d’y répondre tout au long de ce travail qui s’inscrit au cœur de nos recherches sur les figures de doubles féminins dans le cinéma des années 1960 jusqu’à aujourd’hui, et qui tentent de mettre en lumière les différents motifs esthétiques et mises en scènes déroulés dans ces fictions mobilisant des personnages féminins doubles, toujours sous le signe de l’illusion et du fantastique. Celles-ci semblent offrir un horizon alternatif à l’image traditionnelle du double, issue de la littérature du XIXe siècle essentiellement masculine, souvent associée au dérèglement ou à la pathologie. La présente réflexion ne sera toutefois pas centrée sur cet aspect spécifiquement féminin du double. Elle se propose d’offrir un éclairage esthétique à ces problématiques. Deux œuvres de doubles féminins viendront illustrer notre propos, à 50 ans de distance l’une de l’autre. La première est au cinéma des doubles ce qu’est le roman de Stevenson à la littérature ; il s’agit de Persona (1966), d’Ingmar Bergman, œuvre fondatrice qui marquera profondément la vision de la dualité féminine au cinéma, et dont le spectre se fera sentir par la suite sur toute une lignée de films ayant traits aux mêmes thèmes. La seconde, D’après une histoire vraie (2017), est une adaptation cinématographique par Roman Polanski du roman de Delphine de Vigan (2015) portant le même nom. Ces œuvres présentent toutes deux une ambiguïté quant à la dualité potentielle des deux personnages principaux. Deux actrices (Bibi Andersson et Liv Ullman pour Persona, Emmanuelle Seigner et Eva Green pour D’après une histoire vraie) incarnent deux personnages différents, donnés initialement comme distincts (Alma//Elisabet pour Persona, Delphine//El pour D’après une histoire vraie), mais dont les contours, au fil de la fiction, finissent par devenir incertains : s’agissait-il d’un seul et même personnage ?

Les deux films laissent entrevoir la possibilité d’un personnage à l’identité double, d’un « double intrapsychique », tout en mobilisant des mises en scènes différentes. Deux approches seront ainsi explorées.

Nous commencerons par celle proposée par le film de Polanski, bien qu’il soit plus récent. Il s’agit d’une mise en scène en « trompe-l’œil4 », appréciée d’un certain cinéma américain post-moderne et contemporain, comme en témoignent les travaux d’Aurélie Ledoux, qui fait le plus souvent appel à la figure narrative du twist5 : à travers un jeu subtil de pistes narratives et de mises en scène, le spectateur est conduit à croire en une certaine réalité, réalité qui se trouve finalement renversée par un ultime retournement de situation. Ici, il s’agit de masquer durant tout un pan de la fiction le caractère hallucinatoire ou fantasmatique d’un des personnages. « Tout cela n’était que le fruit de son imagination », laisse entendre le film. En définitive, les deux personnages coprésents à l’écran n’incarnaient qu’une seule et même personne, qui hallucinait tout le long du film la présence de la seconde. Fight Club (David Fincher, 1999) est notamment l’une des fictions de « double intrapsychique » les plus emblématiques ayant recours à ce procédé, comme le rappelle Lihi Nagler6. Cette première piste de mise en scène, qui présente un dispositif binaire marqué par la croyance exclusive du spectateur en l’existence de deux personnages distincts, suivie d’un retournement de situation (twist) venant invalider celle-ci et lever le voile sur la dualité du personnage principal. L’annulation de cette croyance par un retournement de situation constituera la première partie de notre analyse.

À l’autre bout du spectre, nous explorerons une seconde perspective, toute aussi ancrée dans une atmosphère de doute et d’incertitude, mais qui privilégie une atmosphère beaucoup plus diffuse, loin de cette logique binaire, et dont Persona est une parfaite illustration. L’ensemble du film de Bergman — à l’image d’un grand nombre de ses œuvres, semble teinté d’une réalité à la croisée du rêve, de l’hallucination et du fantasme. Aucune forme de direction du spectateur, consistant à l’orienter vers une piste puis vers une autre, n’est ici en jeu. L’ensemble de la mise en scène déborde dans un ailleurs incertain, où monde mental et monde réel se côtoient sans complexe. Cette deuxième perspective, qui privilégie une mise en scène aux contours plus flous, constituera ainsi la seconde partie. Nous partirons ainsi du dispositif binaire plus marqué dans le film contemporain de Polanski avant d’aborder la mise en scène aux frontières poreuses et indiscernables dans le cinéma de Bergman.

C’est un moment précis de ces fictions de doubles au féminin qui retiendra notre attention. Il s’agit d’une séquence clef qui marque la fin d’un huis clos entre les deux personnages : un personnage tiers garant d’une certaine « réalité objective » vient rompre la rêverie de ce promeneur solitaire, plongé dans ce huis clos qui, nous le verrons, favorise l’introspection et laisse libre cours au monde mental du protagoniste. La mise en présence de ce personnage tiers, en plus de perturber le protagoniste désemparé par cette juxtaposition d’univers, fait vaciller la frontière entre « monde objectif de la fiction » et monde mental.

Le double incarne la part négative du personnage, celle qu’il refoule dans son inconscient. [L]es récits de la duplicité mettraient en scène la rupture de la censure qui sépare le conscient de l’inconscient et, de ce fait, l’échappée du double des profondeurs de l’intime. La révélation en plein jour de cette part refusée est source de honte pour le personnage. L’envahissement de son espace social par le double est donc angoissant7.

La citation de Louise Flipo et Marie-Valérie Lambert met en lumière ce moment crucial de rupture qui met bien en péril le personnage comme le dispositif illusionnel. Quelle mise en scène privilégier pour cette séquence de sortie de l’ombre pour le personnage double ? Comment mettre en scène ces différents personnages, n’appartenant pas au même degré de réalité, dans un même champ ? Que faire de ce personnage double au statut ontologique incertain, exposé au regard d’un autre personnage ? Nous tenterons de répondre à cette interrogation à travers nos deux analyses des films de Polanski et de Bergman. Il s’agira d’observer la mise en scène cinématographique et les ressorts dramatiques de ce moment de « retour du dédoublé », en référence à l’expression de Freud, où la censure entre « espace conscient » et « espace inconscient », entre le protagoniste et son double, entre monde mental du personnage et « sphère sociale », entre hors champ et champ, est rompue. Cette remontée à la surface d’une certaine réalité restée jusque-là hors champ fait référence à son concept d’inquiétante étrangeté —ou d’inquiétant familier selon les traductions les plus récentes, mettant l’accent sur le paradoxe inhérent à ces objets ou lieux que l’on croyait connaitre (« heimlich ») mais qui soudain se présentent sous un aspect étranger (marqué par le renversement du « un »). « Tout ce qui devait rester dans le secret, dans le dissimulé, est sorti au grand jour8 » précise-t-il. Ce moment précis de vacillement, de « retour du dédoublé » laisse effectivement place à une situation « inquiétante », où deux degrés de réalité semblent se côtoyer. Nous verrons qu’en définitive, dans ces deux œuvres, une esthétique de l’incertitude vient en quelques sortes mimer la lutte psychique entre les deux personnages pour occuper le devant de la scène, entendue comme champ mais également comme scène psychique. Le champ va devenir le théâtre de cette lutte inhérente au protagoniste et son double, la part obscure tentant de sortir de l’obscurité du hors-champ pour s’imposer dans le champ. Un jeu de va-et-vient entre ces deux « scènes » se met ainsi en place avec lesquelles peut jouer le réalisateur et tente de jongler le protagoniste : la scène disons plus « objective », « sociale » ou « réelle », comme le champ lui-même, et cet ailleurs, ce hors champ, cette autre scène dont parle Lacan, qui renvoie au théâtre psychique intérieur du personnage et, par extension, à son monde mental. Mais le personnage double au statut de fantasme-fantôme, dans ce « retour du dédoublé », viendra toujours « hanter et halluciner les bords de l’image9 ».

D’après une histoire vraie, une mise en scène en trompe-l’œil : le hors champ comme coulisse de l’autre scène

Une esthétique en trompe-l’œil

D’après une histoire vraie raconte l’histoire de Delphine (Emmanuelle Seigner), auteure d’un roman à succès qui finit par être fragilisée par cette réussite inattendue. Incapable de démarrer un nouveau roman, elle sombre dans une forme de mal-être, jusqu’au jour où elle rencontre « El » (Eva Green), personnage charismatique qui se dit « nègre des stars » et qui propose de reprendre sa vie en main. Une relation amicale puis venimeuse se crée entre les deux femmes, Delphine ayant progressivement le sentiment de « perdre la main » sur sa propre vie. Fidèle au schéma polanskien, et après un certain nombre de retournements de situation, le récit finira en définitive par dévoiler les rouages d’une telle tension entre ces deux femmes ; une séquence finale laisse entendre au spectateur qu’El, cette jeune femme qui semblait comprendre la romancière mieux que personne, n’était en réalité qu’une création de son esprit, durant cette phase. Celle-ci était ainsi le personnage principal du nouveau roman que Delphine est finalement parvenue à écrire tout au long du récit.

L’affiche du film aux tons rouges et noirs, sur laquelle on peut voir une main tenant un stylo, doublée d’une seconde main, juste au-dessus, qui semble diriger la première, illustre cette idée de « prise en main » de la vie d’un personnage par l’autre. Dans la diégèse, El prend progressivement en main les travaux de Delphine comme elle prend en définitive possession de son esprit. Cette prise de possession progressive d’un personnage par un autre est l’un des thèmes classiques des fictions de « doubles intrapsychiques », celui du « ghost writer10 » : l’écrivain secondé par un personnage qui finit par n’être que le fruit de son imagination. Au cinéma, la dimension imaginaire de cette figure rend possible l’emploi d’un jeu de trompe-l’œil renforcé par un twist final ; tout au long du film, la mise en scène et le cadre permettent de mettre de côté, de masquer cette dimension fantasmatique pour ne la dévoiler qu’en fin de course. Le spectateur réalise alors qu’il percevait jusque-là les évènements depuis le point de vue du personnage principal, créateur en manque d’inspiration prisonnier de sa propre subjectivité... mais tout cela n’était qu’une chimère. On a ici affaire à un « trompe-l’œil » :

Le propre du trompe-l’œil onirique consiste à circuler de l’objectif au subjectif – de la réalité diégétique au rêve du personnage – en se passant de tout code de différenciation et même en effaçant tout ce qui serait susceptible de fonctionner comme un marqueur de changement de régime ontologique11.

Le trompe-l’œil ici n’est pas nécessairement de nature onirique, mais suggère plutôt, dans le sens inverse de celui décrit par A. Ledoux, un passage du subjectif à l’objectif, de l’imagination du personnage à la réalité diégétique. La toute dernière scène du film, présentant un dernier échange entre les deux personnages, suggère ainsi un passage de la réalité telle qu’elle était perçue par Delphine (réalité dans laquelle El existe à ses côtés, comme auxiliaire et « ghostwriter ») à une « réalité diégétique » qui serait visible et semblable pour tous (El ne serait en fait qu’une apparition, le fruit de son imagination). « Ce qui dans la diégèse, passait pour la réalité est au cours du film dénoncé comme illusoire, cette illusion pouvant résulter d’un mensonge, d’une manipulation ou de la folie du personnage12 ». Ce qui passait pour vrai dans la première partie du film finit effectivement par être invalidé par ce retournement de situation final qui laisse entendre l’hallucination ou l’ivresse de création qu’a traversée Delphine pendant cette période d’introspection et d’écriture de son nouveau roman. La question qui nous intéresse alors est la suivante : comment cette figure du twist peut-elle être agencée visuellement ? Par quel procédé de mise à l’écart le réalisateur choisit-il de masquer, tout au long du film, la dimension fantasmatique de ce personnage ? Comment maintenir l’illusion de son existence dans la diégèse ? L’extrait étudié se situe bien dans la première moitié du film, au stade où le spectateur n’a encore aucune piste pour comprendre qu’El est une création fantasmatique de l’esprit de Delphine.

Préserver l’illusion : évitement et « champ interdit »

Fig. 1

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 2

Un matin pluvieux, en huis clos avec El dans son appartement parisien, Delphine reçoit la visite de deux journalistes radio qui viennent l’interroger sur son dernier roman : ces personnages tiers venant ainsi rompre le huis clos dans lequel se trouvaient les deux femmes, annoncent ce moment d’ « envahissement de l’espace social ». El, agacée par cette visite surprise et par le fait de ne pas avoir été « consultée » par Delphine dans cette initiative, affirme alors qu’elle préfère éviter l’affront avec ces deux nouveaux personnages. Cette sortie de scène annonce en réalité le jeu subtil d’évitements du cadre qui permettra de conserver jusqu’à la fin l’illusion en trompe-l’œil quant au statut ontologique d’El.

El se montre agacée par l’irruption imprévue des deux journalistes : « tu reçois une journaliste sans me le dire ? ». Cette arrivée soudaine, signifiée par le bruit d’une sonnette en hors champ qui amorce cet envahissement par « l’espace social » va précipiter El dans une chambre, près du vestibule (fig. 1) puis laisser place à l’entrée des journalistes, depuis une porte adjacente (fig. 2). Ce mouvement de repli d’El à l’intérieur de la chambre témoigne de la stratégie d’évitement du champ qui est à l’œuvre dans cette mise en scène, qui veille à préserver tout au long du film le trompe-l’œil ou twist final : El doit rester dans la chambre tout au long de l’interview, ou du moins, doit rester écartée de la scène principale sur laquelle se trouvent les autres personnages. Conformément au fait qu’elle est une création de l’esprit de Delphine, que le spectateur à ce stade du film ne détient pas ce savoir et qu’elle est présentée comme un personnage à part entière dans l’histoire, elle ne peut être présente dans le champ auprès des deux journalistes qui, eux, appartiennent à la « réalité objective » de la fiction. La scène sur laquelle jouent les personnages tierces au « statut ontologique sûr », que la fiction ne révèlera pas comme des apparitions fantasmatiques, à savoir la journaliste radio, l’ingénieur du son et Delphine, lui est interdite.

En effet, pour conserver une certaine illusion quant au statut de création psychique d’El jusqu’à la fin du film, elle ne doit pas pénétrer dans le champ, au contact des autres personnages, au risque de venir invalider sa dimension fantasmatique ; car si El pouvait s’adresser à eux, elle n’existerait a priori pas uniquement dans l’imagination de Delphine, mais serait visible aux yeux de tous ; tous les personnages appartiendraient alors à un même pan de réalité. El doit donc sans cesse être maintenue dans un hors scène ou un hors cadre qui la maintient loin du regard des autres personnages, à l’instar de Mr Hyde qui ne sortait qu’à la tombée de la nuit. Ici, monde mental et monde objectif sont mêlés jusqu’à un certain point : jusqu’au bord du cadre.

La mise en scène est étudiée pour maintenir ce personnage au statut incertain, celui du double, et donc ici de El, écarté des autres protagonistes, de le « contenir » dans une forme de hors scène qui n’autorise pas l’affront direct entre l’ensemble des personnages. Ce procédé d’ « évitement » est souvent mis en œuvre au cinéma dans les fictions de doubles, ou dans toute fiction en trompe-l’œil mettant en scène une forme d’hallucination d’un personnage par un autre. C’est ce même procédé qu’utilisait déjà à certains égards David Fincher dans Fight Club (1999) mentionné précédemment, et auquel a recours plus récemment Todd Phillips dans le récent Joker (2019), pour mettre en scène le personnage de Sophie, une voisine de palier avec laquelle le personnage central liera une amitié ambiguë. Ces binômes ne sont jamais filmés simultanément dans un même champ, en présence de tiers personnages. La caméra évite ainsi cet affrontement entre deux degrés de réalité différents, mais la subtilité de la mise en scène ne permet pas au spectateur de déceler la dimension illusoire. La fin du film révélera, de la même façon, le statut hallucinatoire du personnage de Sophie : cette voisine, devenue la petite amie de celui qui deviendra le Joker, n’était en réalité qu’une projection de son esprit depuis leur scène de rencontre dans un ascenseur (cette première scène se trouve être la seule qui n’est pas a priori une hallucination, dans la mesure où la fille de Sophie est également présente dans le champ, auprès de ces deux personnages). De cette façon, dans le film de Todd Phillips comme dans celui de Roman Polanski, la relation de proximité entre les deux personnages vient également justifier, dans la diégèse, leur exclusion de la scène sociale. Au même titre que Delphine et El, Arthur et Sophie, de par leur liens intimes, apparaissent souvent dans des scènes en huis clos, à l’ombre de tout regard, et qui « autorisent » le personnage à laisser libre cours à son imagination. Chaque apparition doit donc être savamment cadrée, afin de ne pas franchir cette ligne imaginaire qui sépare le monde mental du personnage du monde objectivé de la fiction. Le personnage au statut ambigu, qui apparaitra in fine comme une création de l’esprit, doit ainsi être intégré dans le champ selon un certain nombre de règles, afin de préserver le voile de l’illusion jusqu’à la fin.

L’appartement, théâtre entre scène sociale et autre scène

De la même façon, dans l’extrait en question, l’appartement, qui était jusqu’alors un huis clos exclusif aux deux personnages, va se transformer en une scène de théâtre sur laquelle Delphine va devoir jongler ; le salon se trouve être l’espace réservé aux nouveaux venus, espace de sociabilité dans lequel les personnages « réels » peuvent se mouvoir. À l’inverse, la chambre du fond va se transformer en une sorte de coulisse dans laquelle El, ce personnage au statut ontologique ambigu, doit demeurer cachée. D’emblée, le jeu d’ouverture/fermeture de portes reflète le passage d’un monde à un autre, d’une scène à une autre : de l’espace psychique de création/hallucination à l’espace social objectivé. Au bruit de sonnette qui annonce l’envahissement de l’espace par les deux journalistes, tous deux garants de l’espace social, El, et a fortiori l’entièreté de l’univers psychique du personnage projeté à l’écran rejoignent la chambre du fond. Delphine, seule, se trouve alors en mesure d’accueillir les journalistes. Par son mouvement d’ouverture de la porte d’entrée, elle accueille dans le même temps le monde objectivé de la fiction. Le miroir posté près de la porte d’entrée se fait d’ailleurs témoin de ce changement de scène. Avant l’arrivée des journalistes, c’est El qui apparait reflétée dans le miroir, postée devant la porte d’entrée, avant de partir se réfugier dans la chambre du fond (fig.1). C’est El qui est ici sur le devant de la scène, filmique comme psychique, puisque c’est son image qui se reflète dans le miroir. À l’inverse, lorsque Delphine accueille les journalistes, seule, c’est son propre reflet qui apparait alors dans ce même miroir. Cette fois, c’est bien Delphine, qui est au-devant de la scène, et c’est l’image de Delphine, seule, qui est également reflétée dans le miroir (fig. 2). Ce passage d’un personnage à un autre dont témoigne ce miroir, métaphore d’une certaine distorsion de la réalité, illustre en définitive le passage d’une réalité à une autre ; le monde mental laisse place au monde « réel » de la fiction.

El semble ainsi jouer sur une autre scène. En effet, selon cette perspective, l’appartement apparaît comme une métaphore de la psyché du personnage, dans lequel circule la part refoulée des coulisses à la scène principale. On peut penser ici à la métaphore que fait Freud dans ses Cinq leçons de psychanalyse, pour illustrer sa définition du « refoulé13 » : il compare le refoulé à un individu qui, assistant à une conférence, perturberait l’audience par son comportement agité. Il serait en conséquence « conduit à la porte de la salle ». Ici, la salle de conférence s’apparente au « conscient », et le vestibule à l’inconscient. L’élément perturbateur est, de cette façon, refoulé dans l’inconscient. L’extrait du film de Roman Polanski en question décrit de façon assez similaire cette situation : pour ne pas contrevenir à l’illusion du film, et pour ne pas déranger le personnage qui joue sur la scène sociale et objectivée, le personnage double au statut ontologique incertain doit être mis à l’écart, contenu dans le vestibule, qui est ici la chambre du fond. Dans son illustration de ce qu’est le « retour du refoulé », Freud file cette métaphore :

Tout n’est pas fini, il peut très bien arriver que l’individu expulsé, amer et résolu, provoque encore du désordre. Il n’est plus dans la salle, c’est vrai [...] mais à certains égards le refoulement est pourtant resté inefficace : car voilà qu’au dehors l’expulsé fait un vacarme insupportable14.

De la même façon, dans l’appartement de Delphine comme dans la salle de conférence, le refoulement est inefficace : El fera son retour sur scène, conformément au motif de l’ « envahissement de l’espace social » par le double. On a bien affaire ici à une forme de « retour du dédoublé ».

Fig. 3

Fig. 3

Fig. 4

Fig. 4

Toutefois, par ce subtil jeu d’évitement du cadre, la ligne imaginaire entre monde mental et monde objectif, qui était symbolisée par la frontière entre le salon et le vestibule, ne sera pas franchie. En effet, aux seuls moments où El sort des coulisses, c’est-à-dire de la chambre du fond, pour se présenter dans le salon pendant l’interview, elle sera maintenue dans un hors-champ qui l’isole définitivement de la scène. À deux reprises, un plan rapproché serré présente Delphine seule dans le champ, assise en face de la journaliste, et qui, à la fin de son propos, lève les yeux vers le haut : elle semble avoir aperçu quelque chose de problématique en hors champ. Son visage change soudain d’expression (fig. 3). On comprend qu’elle perçoit, dans ce hors champ, l’image d’El venue hanter la pièce. Le plan suivant présente effectivement El en contrechamp, derrière une des vitres du salon, en plan moyen dans le premier plan puis en gros plan la seconde fois. Celle-ci fixe Delphine avec colère, derrière la porte vitrée du salon (fig. 4). Ces deux occurrences s’accompagnent d’une musique aux notes graves ou inquiétantes qui diégétisent la présence de ce double, tel un fantôme qui apparait à l’écran et refait surface, depuis un ailleurs incertain.

Ici, les deux pans de réalité sont mis en confrontation mais la ligne imaginaire n’est pas franchie ; El ne se situe toujours pas directement dans le même champ que les autres protagonistes, elle est maintenue à distance dans un hors-scène, à l’abri du regard de la journaliste, garante d’une réalité sociale et du « monde objectivé de la fiction ». Ce processus de mise à l’écart, de maintien hors scène littéralement et symboliquement, est également renforcé par un surcadrage. El est filmée derrière une porte vitrée qui vient en quelques sortes enserrer son image. Après l’image au miroir, cette porte vitrée vient de la même façon symboliser l’autre degré de réalité, l’autre scène sur laquelle se trouve El. Le personnage double au statut fantasmatique est bien visible par le protagoniste qui s’en trouve hanté, mais il est toujours médiatisé par cette vitre qui vient faire écran entre les deux scènes, entre les deux mondes, monde mental et monde objectivé. On a ici affaire à une image que l’on pourrait appeler image-écran, en suivant l’idée de Charles Mauron15, qui contient et concerne l’origine du traumatisme du protagoniste, et l’empêche de refaire surface. Cette porte-vitrée est en quelques sortes un écran fantasmatique, tel qu’il est décrit par Gabriella Ripa di Meana : « derrière l’écran fantasmatique est oublié tout ce que le sujet ne peut pas supporter de rencontrer et qui ne trouve pas les mots pour être signifié16. »

C’est seulement par le biais de cet écran fantasmatique qu’a lieu le « retour du dédoublé ». Ce qui devait être relégué sur l’autre scène refait surface, mais toujours en étant maintenu derrière ce médium. Ici, la porte d’entrée de la salle de conférence dont parlait Freud dans son illustration du retour du refoulé est bel et bien présente, mais elle est vitrée. Maintenu à l’écart, le refoulé est toujours perceptible. Il continue à « hanter les bords du cadre17 ».

Enfin, il convient de souligner que ce cadrage hors scène du double permet de détourner la confrontation directe entre les deux scènes, objectives et fantasmatiques, de façon subtile. Ce dispositif de mise à l’écart est subtil, et ne devient visible pour la plupart des spectateurs qu’a posteriori, lors d’un second visionnage du film, une fois l’illusion levée. Cette mise en scène permet donc une certaine fluidité entre les deux scènes, entre le monde mental et la « réalité objective de la fiction » : le passage d’une scène à l’autre est fluide, et cela renforce la conviction du spectateur sur la voie du trompe-l’œil. Finalement, la fluidité de l’une à l’autre des pièces, de l’une à l’autre des scènes, renvoie à la même fluidité avec laquelle ce spectateur devra, à la fin du film, retourner le point de vue selon lequel il a perçu l’histoire jusqu’alors, pour passer de l’autre côté du miroir et découvrir que tout cela n’était qu’un réalité en trompe-l’œil. C’est dans le sillon de cette même fluidité que l’on rejoint Persona, qui présente quant à lui une mise en scène aux contours encore plus incertains. Le film de Bergman semble tout entier planer dans un hors champ, ou dans un hors temps. L’entièreté du film illustre ces passages d’une scène à une autre. La mise en scène n’est pas pensée selon un principe de trompe-l’œil, ni selon un schéma binaire organisé sous la forme d’une croyance première et qui serait in fine retournée en sens inverse (à l’image du twist). Monde mental et monde objectivé ne sont plus maintenus fermement par un hors cadre. Ils communiquent sans cesse et nul ne saurait dire dans quel degré de réalité l’on se situe. Nous verrons alors que, dans le film de Bergman, et dans l’esthétique de Bergman de façon plus générale, le double ne fait plus qu’hanter les bords du cadre ; il brise directement la vitre et entre dans le champ avec fracas.

Persona : débordement de l’espace mental, saturation de l’image par l’« autre scène »

Le film de Bergman semble être à lui seul une autre scène à mi-chemin entre le rêve, le fantasme, l’hallucination et l’imagination, comme le souligne Susan Sontag : « Bergman gomme les frontières entre l’identité des femmes, entre le rêve et la réalité, entre le passé et le présent, entre le monde intérieur et le monde extérieur18. » Il baigne dans cet entre-deux indécis, dans cette atmosphère étrange et indéterminée et qui le restera jusqu’au bout. S’agit-il d’une seule et même personne ayant projeté une autre image d’elle-même ? Ou s’agit-il bien de deux personnages féminins aux destins entremêlés ? N’était-ce qu’un grand rêve ? Ou simplement l’illustration subtile d’un espace psychique qui déborde sur le monde de la fiction ? La question reste en suspens.

Persona est le film qui marque le plus durablement les fictions de doubles au féminin, inspirant toujours un demi-siècle plus tard un très grand nombre de réalisateurs19, comme en témoigne le précédent film de Polanski. Ce film de 1966, après une période douloureuse d’hospitalisation que Bergman décrit comme une « crise de vérité20 ». L’éloquence de cette œuvre aux contours métaphysiques en fera pourtant une pièce magistrale. Elle marquera profondément la production des années 1960, déposera durablement son aura jusqu’à constituer une forme de genre à part entière21 : la fiction de double au féminin. Effacement d’identité progressif, transfert entre deux personnages, frontière poreuse entre rêve et réalité, lien ambivalent entre deux femmes : telles sont les composantes de l’œuvre majeure de Bergman que l’on retrouve comme à travers la vue d’un kaléidoscope dans toute une lignée de films portant sur ce même thème de dualité féminine, au cœur de nos travaux de recherche.

Tentons d’en rappeler ici la trame narrative : la comédienne Elisabet Vogler (Liv Ullmann), « frappée par la conscience de l’absurdité de sa place dans le monde et de son impuissance devant le mal qui y règne22 », s’est murée dans un profond mutisme suite à une représentation d’Électre. C’est l’infirmière Alma (Bibi Andersson), bien qu’elle débute dans le métier, qui devra prendre en charge cette patiente charismatique et redoutée. Elles s’isoleront finalement dans une villa, sur une île, pour un séjour de convalescence. Les rôles s’inverseront progressivement entre les deux femmes ; Elisabet refusant de parler, Alma se confie et s’ouvre de plus en plus. Mais à mesure que le séjour avance, la relation entre les deux femmes se dégrade : alors qu’elles se sont liées d’amitié, Elisabet trahit Alma et une tension se crée entre les deux personnages. L’extrait étudié illustre un tournant dans cette relation ambiguë ; comme dans le film de Polanski, les deux personnages passent d’un huis clos à un espace partagé. Une tierce personne va entrer en scène et venir briser ce huis clos et cet « envahissement de l’espace social » va venir catalyser une même situation de tension entre les deux personnages.

Notons ici que cette atmosphère en huis clos appartient aux grands topoi des fictions de doubles intrapsychiques, comme cela était le cas de la thématique du « ghost writer » analysée précédemment : dans la mesure où il est potentiellement une création psychique émanant du personnage principal, le personnage double intervient le plus souvent en huis clos, dans un face-à-face avec son créateur qui permet ainsi de mettre de côté la question de son existence effective. Ce cadre spatio-temporel participe à cette atmosphère propice au doute et à l’incertitude. Seul face à l’autre personnage, et selon une même intention d’exclusion de la sphère « publique », le protagoniste peut se livrer à une introspection ou à une rêverie solitaire ; réalité, songe et hallucination peuvent librement s’entremêler. L’exemple de Mr Hyde est à nouveau éloquent. Ce dernier fait son apparition exclusivement à la tombée de la nuit, à l’insu du Docteur Jekyll. On peut également penser au face-à-face de Dorian Gray et de son portrait en huis-clos caché derrière un rideau, ou encore à la rencontre nocturne de Goliadkine avec son double dans le roman de Dostoïevski, la nuit étant, de la même façon, un élément d’ancrage majeur des fictions de double23, l’obscurité étant ce lieu par excellence de l’incertitude, du paraitre et du rêve où peuvent naitre projections, fantasmes et fantômes.

L’extrait de Persona dont il est ici question allie ces deux motifs porteurs d’étrangeté la nuit et le huis clos, même s’il marque la fin de celui-ci toujours via cet « envahissement de l’espace social » et ce « retour du dédouble ». Cette séquence annonce en ce sens un changement majeur, dans la mesure où les deux femmes ne sont jusqu’ici jamais apparue dans une scène, côte à côte dans le champ en présence d’une tierce personne, la majeure partie du film étant tournée non seulement en huis clos, mais surtout se déroulant sur une île, sorte d’hétérotopie hors temps, qui vient renforcer cette exclusion du monde extérieur. L’ensemble de ces motifs et dispositifs maintenant in fine le voile sur la question de leur(s) identité(s). Cette situation va ici être remise en question.

Le huis clos étant rompu, le personnage double ne va toutefois pas être maintenu hors scène. Les personnages vont tous être situés dans un même plan, selon une prise de vue frontale. Le double ne refait plus surface en hors scène, encadré et contenu par la mise en scène qui préserverait l’illusion. Ici, il n’y a plus de frontière entre monde mental et monde objectif de la fiction ; l’entièreté de l’espace scénique est colorée par le monde mental ; l’autre scène fantasmatique vient saturer le champ. Le passage d’une scène à l’autre, réalité diégétique à espace mental ou scène psychique, n’est pas signifié cette fois par un déplacement dans l’espace, où l’autre scène serait canalisée dans un hors champ, loin du regard des personnages tierces. Au contraire, on va assister à un envahissement progressif d’une scène à l’autre directement à l’écran, dans le champ. C’est par le biais des changements de plan, et de l’élargissement progressif du cadre, que va alors se produire ce passage discret d’une scène à l’autre. Ici, l’« opérateur de modélisation24 » qui permet de signifier que l’on passe d’une scène à une autre est quasi subliminal. On sort du « champ interdit » comme cela était le cas dans D’après une histoire vraie, où le personnage double de par sa dimension fantasmatique ne pouvait pénétrer dans le champ sous peine d’invalider son caractère irréel, fantomal. Ici, au contraire, les trois personnages, Alma, Elisabet et M. Vogler sont progressivement mis en présence dans le champ, et c’est cette coprésence qui va venir signifier le passage d’une scène à une autre. Fantasmagories, fantômes intérieurs et réalité objective finissent alors par se côtoyer littéralement en un même plan.

Rêverie, rêve, apparition ? Une séquence au statut d’emblée ambigu

La première partie de la scène montre le caractère ambigu de ces images ; s’agit-il d’un rêve, d’une hallucination ou de la réalité ? Le mari d’Elisabet appelle une première fois en hors champ, puis une seconde, il vient rompre la solitude dans laquelle se trouvent les deux femmes et, en définitive, rompre le théâtre intérieur hermétique sur la scène duquel elles jouaient toutes les deux depuis leur arrivée sur l’île, comme en témoigne la réaction d’Alma à l’appel du mari : « je vais voir ce qu’il nous veut. Ici, loin, si loin dans notre solitude ». En effet, la voix du mari en hors champ s’inscrit sur une image des deux femmes en gros plan, Alma penchée sur Elisabet, semblant scruter le visage inerte de cette dernière.

Fig. 5

Fig. 5

Un second plan en travelling présente alors Alma, de profil, qui traverse un long couloir. Ce plan dynamique illustre la sortie d’un lieu à un autre et dirige lentement Alma vers l’extérieur, cet extérieur qui vient mettre fin au huis clos à l’œuvre jusqu’ici. Ce mouvement vient signifier, de la même façon, le passage d’une scène à une autre, d’une réalité à une autre. Et cette rupture est brusque : un deuxième plan annonce l’irruption soudaine du mari d’Elisabet qui rompt cette quiétude : Alma, en gros plan, ressent avec effroi une main qui vient se poser sur son épaule. La main du mari semble sortir de nulle part. Elle quitte le hors champ pour pénétrer le plan dans lequel se trouve Alma, et se poser sur son épaule. L’irruption de cette main est accompagnée du cri de frayeur d’Alma (fig. 5), qui peut venir signifier le décalage soudain entre ces deux réalités, l’effroi avec lequel Alma se trouve sortie du huis clos ou de sa rêverie nocturne. Elle se trouve désemparée face à cet homme qui lui fait face, mais qui n’est pas encore visible, relégué pour le moment hors champ. Un premier changement d’atmosphère a lieu. L’appel prochain du mari en hors champ, tout comme cette main posée sur l’épaule d’Alma, sont deux éléments, sonores comme visuels qui proviennent d’un hors champ, et pénètrent avec fracas dans le champ. Ils annoncent de la même façon le changement brusque qui va avoir lieu dans cette séquence. Alma quitte ainsi la quiétude du huis clos pour affronter ce « principe de réalité » qui s’introduit avec fracas, à l’image de cette main qui pénètre dans le champ.

À ce moment précis, chaque protagoniste est « enserré » dans son champ, chacun est « enserré » sur sa scène : Alma, que l’on perçoit en premier, se trouve dans le champ, seule, tandis que le mari, pour le moment, se tient hors champ. Deux réalités se font face. Deux sphères semblent s’entrechoquer. Même si la main du mari entre avec fracas dans le champ, on peut tout de même jusqu’ici croire qu’il s’agit d’un rêve : Alma répond aux propos du mari d’Elisabet qui se trouve en face d’elle à deux reprises : « Je ne suis pas Elisabet », puis elle poursuit : « Je ne suis pas votre femme M. Vogler ». Mais le flot de parole de ce dernier n’est pas perturbé par les oppositions d’Alma. Sa réplique s’apparente ici à un monologue, sur lequel Alma n’a aucune incidence. Ce manque de réaction du personnage pourrait en effet laisser croire à une scène onirique, les deux personnages étant visuellement chacun enserrés dans un champ différent, mise en scène qui pourrait venir signifier le fait que ces deux « réalités » ne semblent pas communiquer pour le moment. Le mari d’Elisabet ne relève pas les propos d’Alma. Peut-il seulement l’entendre ?

De la fragmentation du champ au rassemblement des différents pans de réalité

Fig. 6

Fig. 6

Fig. 7

Fig. 7

L’entrée progressive du personnage d’Elisabet dans le champ en arrière-plan (fig. 6) résout progressivement cette situation, et vient comme briser ce quatrième mur qui empêchait la communication entre Alma et le mari. Les deux scènes entrent littéralement en collision. Elisabet prend la main d’Alma pour la déposer sur le visage du mari, et la situation va basculer ; c’est à travers ce geste, celui d’Elisabet qui, comme l’on tirerait les ficelles d’une marionnette, prend la main d’Alma pour la déposer dans le hors champ où se trouve le mari, que la sphère hermétique dans laquelle se trouvait Alma, seule, est rompue. Un changement majeur va avoir lieu : le passage d’une scène à l’autre, amorcé par le personnage énigmatique qu’est Elisabet.

On note que c’est en premier lieu l’évolution du cadre qui marque ce changement majeur : cette main tendue en hors champ, qui rappelle évidemment en miroir celle de M. Vogler auparavant, montre que chacune des deux parties, à leur tour, de par ce geste de main tendue, a pénétré le champ dans lequel se trouvait l’autre ; chacun, de par cette main tendue, a envahi le champ de l’autre, chacun, de par ce geste en hors champ, va en définitive sortir de la scène hermétique dans laquelle il se trouvait : Alma et Elisabet dans la solitude insulaire, enfermées littéralement sur l’autre scène intérieure, et le mari dans son rôle de tierce personne, garant de la « scène sociale » et du « principe de réalité », comme le précise sa réplique : « les médecins m’ont expliqué ». Il se place, en ce sens, comme le garant d’une réalité extérieure, comme l’émissaire de cette « scène sociale » sur laquelle les deux personnages ne jouaient plus depuis leur arrivée sur l’île. La « scène sociale » refait ici surface. L’« espace social » envahit l’espace en huis-clos. De cette façon, on quitte le champ en gros plan qui enfermait les deux femmes, d’une part, puis celui du mari seul en contrechamp, isolé à son tour dans un gros plan ; les trois personnages peuvent désormais tous passer dans le même champ, pour finalement se rejoindre sur la même scène (fig. 7).

On peut noter par ailleurs le geste du mari, qui ôte ses lunettes, geste qui accentue de la même façon ce changement majeur, ce passage d’une scène à l’autre, et qui n’est pas sans rappeler le dispositif de la porte-vitrée qui était en jeu dans le film de Polanski : ici, en enlevant ses lunettes de soleil, le mari enlève littéralement l’obstacle qui faisait écran entre eux trois, ou entre eux deux : il perçoit désormais Alma et/ou Elisabet par ses propres yeux, en dehors de cet écran fantasmatique qui était de mise jusqu’à présent.

D’une scène à l’autre, d’une persona à l’autre

Fig. 8

Fig. 8

Fig. 9

Fig. 9

Enfin, au-delà du changement de cadre, et du geste de M. Vogler, c’est le changement de rôle d’Alma, son changement de masque, de persona, qui se manifeste dans ce passage d’une scène à une autre : par cette main tendue qui quitte l’autre scène, Alma peut désormais devenir Elisabet, endosser pleinement son rôle d’Elisabet. Par ce geste de pénétration du hors champ, le personnage d’Elisabet a en définitive accompagné Alma vers cette autre qu’elle était aussi, il lui a montré la voie, lui a indiqué le masque à adopter, le rôle à suivre pour coïncider avec ce qu’elle était censée être, ou ce qu’elle devait être.

En effet, Alma ainsi devenue Elisabet se jette dans les bras du mari, et pénètre brusquement dans le champ dans lequel il se trouve, jusqu’alors inaccessible. Parée de ce nouveau masque, de cette nouvelle persona, elle est en mesure d’entrer dans ce champ qui était jusqu’alors hermétique. « Je t’aime tant... comme toujours » : elle n’émet plus la résistance qu’elle présentait au début de la scène (« je ne suis pas votre femme »), mais s’adonne totalement à son rôle. Elisabet (Liv Ulmann), quant à elle, va être progressivement reléguée à un hors-scène : de l’arrière-plan (fig. 7), à la saturation du plan (fig. 8), jusqu’à l’avant plan (fig. 9). Ces changements de cadre viennent signifier son éviction progressive. Alma/Elisabet a rejoint la scène du mari ; Elisabet, le double —copie ou original—, qui incarnait cette créature fantasmatique, n’a plus sa place sur la scène qui se joue désormais entre Alma ayant endossé le masque, la persona d’Elisabet et le mari. Elle est évincée du champ comme de la scène jusqu’à être reléguée à un « devant de la scène » d’où elle n’a plus de prise. Il est intéressant de noter la façon dont la figure du double, ici, n’est pas évincée ou « canalisée » dans un hors champ, loin de la scène. Au contraire, elle occupe tout l’espace scénique, elle finit par déborder du cadre, dans un très gros plan (fig. 8) pour finalement rester spectatrice, depuis le bord de la scène (fig. 9). Bien qu’elle soit au-devant de la scène, elle n’est plus qu’un phantasme, une apparition. Sa persona a triomphé d’elle-même. Alma/Elisabet a dérobé son masque pour incarner pleinement son rôle. Plus celle-ci entre dans la lumière, seule face au mari, plus elle endosse son nouveau rôle : « -dis au petit que maman rentrera bientôt », s’exclame Alma/Elisabet tandis que le visage d’Elisabet vient saturer le champ. Alma ne fait plus seulement qu’imiter ce qu’Elisabet lui indiquait de faire (fig. 6) elle tient désormais les ficelles, elle incarne cette persona, elle est devenue Elisabet. Comme par un effet de miroir inversé, Elisabet (Liv Ulmann) est, à son tour, devenue la pantomime reléguée hors scène, bien qu’elle se trouve à l’avant-scène, spectatrice de ce nouvel acte, condamnée à n’être que ce fantôme/fantasme qui, une fois de plus, « hante et hallucine les bords de l’image25 ».

Ainsi, la figure du double intrapsychique féminin au cinéma laisse place à un large spectre de mises en scènes, toujours sous le sceau de l’illusion et de l’incertitude, dans une atmosphère fantastique et sous ses motifs esthétiques porteurs d’étrangeté. Ils ne sont pas sans rappeler le spectre toujours persistant du doppelgänger, cet être si familier mais pourtant bien étranger venant manifester un ailleurs, une part obscure de soi, qui ne cherche qu’à prendre le devant de la scène. La mise en scène en trompe-l’œil de Polanski comme l’esthétique « hallucinatoire » de Bergman viennent mettre en image ces instants de luttes intérieures entre deux scènes, entre deux types de réalités incarnées dans ces deux personnages distincts mais formant en définitive les deux revers d’une seule et même médaille. Ces instants de « retour du dédoublé » manifestent le dialogue important et la frontière poreuse entre ces états que l’on croit distincts, ou entre ces deux personnages, permettant d’illustrer la façon dont champ et hors champ, scène sociale et autre scène dialoguent et communiquent sans cesse. L’une n’a de sens sans l’autre. Il n’y a jamais de hors champ sans cadre, ni de cadre sans hors champ. Cette dialectique est essentielle, et n’est pas sans rappeler la danse qu’effectue le personnage aux contours doubles dans cette mise en scène aux frontières poreuses. À travers ses jeux d’évitements du cadre, et sous le signe du trompe-l’œil, Roman Polanski choisit de présenter et de confronter successivement deux réalités qui s’opposent mais se complètent, en plongeant dans un premier temps le spectateur dans le regard du protagoniste altéré par les distorsions de son imagination, pour mieux renverser ce qu’il pensait jusque-là être la « réalité diégétique », en rappelant la dimension entièrement relative de la notion de champ, qui dépend de la perspective de l’observateur, sans que le spectateur ne puisse jamais prendre pour acquis ces imagos, ces apparitions toujours susceptibles de jouer sur ses sens. Dans le film de Polanski, le cadre montre une partie d’un tout qui est en définitive déplacé, ailleurs, et dont les ressorts ne seront révélés qu’à la fin, même si le doute peut persister également au-delà du film. Ingmar Bergman, avec Persona et dans l’ensemble de son œuvre aux contours plus flous, illustre avec brio ces renversements de certitudes, à travers des dialogues incessants entre les différentes scènes, créant des labyrinthes psychiques dans lesquels réalité diégétique et monde mental s’entremêlent, permettant de recréer le caractère hybride des images mentales, entremêlées de rêves, de souvenirs, d’imagination et de réalité distordue par le souvenir. Ce visage d’Elisabet en bordure de cadre fait écho à l’image du spectateur assistant à la représentation de cette fiction qui se déroule sous ses yeux, observant toute fiction depuis le point de vue qui lui est donné à voir, avec une image cinématographique, toujours à travers un cadre, toujours partielle, mais qui, comme le rappelle ce visage découpé, déborde vers un ailleurs, qui « introdui[t] du trans-spatial et du spirituel dans le système qui n’est jamais parfaitement clos26 » comme le rappelle Deleuze. De cette façon, le personnage du double, lorsqu’il vient « hanter les bords du cadre27 », ne vient pas exclusivement ici sous la forme d’un fantôme refoulé dans les tréfonds de l’âme que représentait le Mr Hyde de Stevenson, il peut au contraire venir rappeler cette dialectique incessante, ce débordement des différentes scènes, de l’ici et de l’ailleurs, et se faire in fine l’émissaire de cette transpatialité, tissant des liens entre les différentes réalités diégétiques, les différents masques de l’éternel jeu social et les divers mondes qui restent possibles.

1 Concept majeur du romantisme allemand, puis de la littérature du XIXe, forgé sous la plume de Jean Paul dès 1796. Jean Paul, Siebenkäs, Stuttgart, 

2 Lihi Nagler, « Singling out the Double: Objectivity, Subjectivity and Alterity in Kieslowski’s The Double Life of Veronique », Post Script, 22 juin

3 Cf. Notamment les travaux de Carl Francis Keppler, en 1972, de Doris Eder en 1978, de Karl Miller et de Robert Alter en 1985.

4 Aurélie Ledoux, L’ombre d’un doute : le cinéma américain contemporain et ses trompe-l’œil, Rennes, PU Rennes, 2012.

5 Sur le concept de fiction cinématographique à twist, je me réfère aux travaux de George Wilson, « Transparency and Twist in Narrative Fiction Film »

6 Lihi Nagler, « Singling out the Double », op. cit., p. 5.

7 Louise Flipo et Marie-Valérie Lambert, « La figure du double dans le fantastique et dans le roman contemporain », in Le double, littérature, arts

8 Sigmund Freud, L’inquiétant familier [trad. Olivier Mannoni], Paris, Petite bibliothèque Payot, 2011, p. 39.

9 Pascal Bonitze, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, Paris, Gallimard, 1982, p. 107.

10 Ce thème est cher à Roman Polanski, qui réalise précisément en 2010 un film portant ce nom.

11 Aurélie Ledoux, « Les rêves en trompe-l’œil : leçon ou expérience ? », in Rêve et cinéma : mouvances théoriques autour d’un champ créatif, Nanterre

12 Ibid., p. 115.

13 Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, suivi de Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique, Paris, Payot, 2010, p. 51.

14 Ibid., p. 53.

15 Charles Mauron, L’inconscient dans l’œuvre et la vie de Racine, Paris, Genève, Champion- Slatkine, 1986, p. 19.

16 Gabriella Ripa di Meana, Modernità dell’inconscio, Astrolabio, 2001, p. 95.

17 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, op. cit., p. 107.

18 “Bergman blurs boundaries between the women’s identities, between dream and reality, past and present, inner and outer worlds” [Je traduis], Susan

19 À ce propos, l’article rédigé par le British Film Institute lors du centenaire de Bergman analyse la façon dont cette œuvre maitresse a influencé

20 Extrait du documentaire de Manuelle Blanc, Persona, le film qui a sauvé Ingmar Bergman, 2017.

21 Les travaux de Miriam Bale, et notamment son concept de persona swap explorent parfaitement cet enjeu, voir http://www.joansdigest.com/issue-2/

22 Guy Braucourt, « Ingmar Bergman », Paris, Seghers, Cinéma d’aujourd’hui, no 62, 1973.

23 Cette piste est explorée dans le même article sur la figure du double dans le roman contemporain : Louise Flipo et Marie-Valérie Lambert, « La

24 François Jost, L’œil-caméra : entre film et roman, Lyon, France, PUL, 1987, p. 29.

25 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinémaop. cit., p. 107.

26 Gilles Deleuze, Cinéma. 1 : l’image-mouvement, Paris,  Minuit, 1983, p. 31.

27 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, op. cit., p. 107.

Notes

1 Concept majeur du romantisme allemand, puis de la littérature du XIXe, forgé sous la plume de Jean Paul dès 1796. Jean Paul, Siebenkäs, Stuttgart, Reclam Philipp Jun., 1983.

2 Lihi Nagler, « Singling out the Double: Objectivity, Subjectivity and Alterity in Kieslowski’s The Double Life of Veronique », Post Script, 22 juin 2003, vol. 22, no 3, p. 5.

3 Cf. Notamment les travaux de Carl Francis Keppler, en 1972, de Doris Eder en 1978, de Karl Miller et de Robert Alter en 1985.

4 Aurélie Ledoux, L’ombre d’un doute : le cinéma américain contemporain et ses trompe-l’œil, Rennes, PU Rennes, 2012.

5 Sur le concept de fiction cinématographique à twist, je me réfère aux travaux de George Wilson, « Transparency and Twist in Narrative Fiction Film », The Journal of Aesthetics and Art Criticism, 2006, vol. 64, no 1, pp. 81-95. Toutefois, le présent travail privilégie la notion de « trompe-l’œil » telle que définie par Aurélie Ledoux.

6 Lihi Nagler, « Singling out the Double », op. cit., p. 5.

7 Louise Flipo et Marie-Valérie Lambert, « La figure du double dans le fantastique et dans le roman contemporain », in Le double, littérature, arts, cinéma : nouvelles approchesop. cit., pp. 110-112.

8 Sigmund Freud, L’inquiétant familier [trad. Olivier Mannoni], Paris, Petite bibliothèque Payot, 2011, p. 39.

9 Pascal Bonitze, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, Paris, Gallimard, 1982, p. 107.

10 Ce thème est cher à Roman Polanski, qui réalise précisément en 2010 un film portant ce nom.

11 Aurélie Ledoux, « Les rêves en trompe-l’œil : leçon ou expérience ? », in Rêve et cinéma : mouvances théoriques autour d’un champ créatif, Nanterre, Presse Universitaires de Paris Ouest, coll. « L’œil du cinéma », p. 117.

12 Ibid., p. 115.

13 Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse, suivi de Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique, Paris, Payot, 2010, p. 51.

14 Ibid., p. 53.

15 Charles Mauron, L’inconscient dans l’œuvre et la vie de Racine, Paris, Genève, Champion- Slatkine, 1986, p. 19.

16 Gabriella Ripa di Meana Modernità dell’inconscio, Astrolabio, 2001, p. 95.

17 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, op. cit., p. 107.

18 “Bergman blurs boundaries between the women’s identities, between dream and reality, past and present, inner and outer worlds” [Je traduis], Susan Sontag, « Persona - Review by Susan Sontag », Sight and Sound Magazine, autumn 1967.

19 À ce propos, l’article rédigé par le British Film Institute lors du centenaire de Bergman analyse la façon dont cette œuvre maitresse a influencé le cinéma moderne : David Parkinson, « Persona: five films inspired by Ingmar Bergman’s masterpiece », 12 décembre 2017, https://www.bfi.org.uk/news-opinion/news-bfi/features/persona-films-inspired-ingmar-bergman-60th-anniversary.

20 Extrait du documentaire de Manuelle Blanc, Persona, le film qui a sauvé Ingmar Bergman, 2017.

21 Les travaux de Miriam Bale, et notamment son concept de persona swap explorent parfaitement cet enjeu, voir http://www.joansdigest.com/issue-2/persona-swap-pas-by-miriam-bale.

22 Guy Braucourt, « Ingmar Bergman », Paris, Seghers, Cinéma d’aujourd’hui, no 62, 1973.

23 Cette piste est explorée dans le même article sur la figure du double dans le roman contemporain : Louise Flipo et Marie-Valérie Lambert, « La figure du double dans le fantastique et dans le roman contemporain », op. cit., p. 110.

24 François Jost, L’œil-caméra : entre film et roman, Lyon, France, PUL, 1987, p. 29.

25 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinémaop. cit., p. 107.

26 Gilles Deleuze, Cinéma. 1 : l’image-mouvement, Paris,  Minuit, 1983, p. 31.

27 Pascal Bonitzer, Le champ aveugle : essai sur le cinéma, op. cit., p. 107.

Illustrations

Fig. 1
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4
Fig. 5
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Fig. 8
Fig. 9

Citer cet article

Référence électronique

Joy Seror, « Le « retour du dédoublé » à l’écran : mises en scène du double intrapsychique féminin : du hors champ à l’autre scène », Motifs [En ligne], 4 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 26 avril 2024. URL : https://motifs.pergola-publications.fr/index.php?id=442 ; DOI : https://dx.doi.org/10.56078/motifs.442

Auteur

Joy Seror

Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne

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